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CONSULTATION TECHNIQUE SUR LES CADRES JURIDIQUES ET LES INSTRUMENTS DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE POUR L'AQUACULTURE COMMERCIALE DURABLE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Arusha (Tanzanie), 4-7 décembre 2001

STRATÉGIES VISANT À SURMONTER LES PRINCIPALES CONTRAINTES DE L'AQUACULTURE COMMERCIALE DURABLE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

SOMMAIRE

Le présent document se concentre sur les stratégies visant à surmonter le principal obstacle au développement d'une aquaculture commerciale durable en Afrique subsaharienne, à savoir la difficulté pour les entrepreneurs de la région d'accéder aux capitaux, notamment en milieu rural. Le problème dérive à la fois de l'absence de garantie adéquate au niveau des emprunteurs, du niveau élevé des taux d'intérêt appliqués par les banques et des risques élevés perçus par les prêteurs en relation avec l'aquaculture. L'ignorance, de la part de nombreux emprunteurs potentiels, de la façon d'élaborer un projet d'entreprise qui offre au prêteur une image exhaustive de l'activité proposée et de sa rentabilité potentielle, et donc de la capacité de remboursement du prêt de l'emprunteur, constitue également une entrave à l'accès au capital. Si les perceptions des prêteurs sont parfois justifiées, notamment lorsque l'industrie n'est pas encore établie et que des difficultés pourraient surgir du fait de l'impossibilité de se procurer localement les intrants nécessaires, lorsque le marché n'est pas testé et qu'aucun exemple de réussite commerciale susceptible d'offrir une indication de validité n'est disponible, les faits semblent toutefois révéler une tendance, au niveau des banques, à exagérer les probabilités de non-remboursement pour certaines catégories d'emprunteurs. L'analyse économique de certaines entreprises d'aquaculture commerciale en Afrique subsaharienne montre la viabilité potentielle de ce secteur dans la région. Les éleveurs de crevettes gagnent entre 26 000 et 37 000 dollars E.-U. par hectare et par an, valeur ajoutée non comprise, ce qui correspond à un taux de rentabilité de l'investissement allant de 95 à 117 pour cent. Les élevages examinés resteraient rentables même si le prix de la crevette devait fléchir de 50 pour cent. Les éleveurs de tilapia et de poisson-chat gagnent entre 500 et 12 000 dollars E.-U. par hectare et par an, soit un taux de rendement du capital investi oscillant entre 13 et 88 pour cent. Les gouvernements ont également un rôle de coordination à jouer, afin de réduire les risques liés à l'établissement mal coordonné des installations de production d'intrants et des entreprises aquacoles. Une approche dynamique et novatrice est nécessaire pour surmonter l'obstacle au développement que représentent l'absence de garantie et l'impossibilité de donner en garantie des biens qui pourraient l'être à la suite de réformes d'ordre juridique et réglementaire. Parmi les stratégies possibles, on peut indiquer celles des prêts sans nantissement, des prêts garantis par l'État et des taux d'intérêt bonifiés, lorsque cela est possible. Les emprunteurs potentiels doivent aussi pouvoir formuler et soumettre des propositions d'entreprise d'une manière précise et concise qui indique clairement la façon dont ils prévoient de tirer profit des activités proposées et de rembourser l'emprunt demandé. La Consultation est invitée à examiner les sujets de réflexion présentés dans ce document, à favoriser l'échange d'expériences nationales dans ce domaine, et à déterminer les mesures qui, dans le contexte économique, social, culturel et politique de l'Afrique subsaharienne, pourraient contribuer à réduire le problème de l'accès limité aux capitaux et promouvoir ainsi une aquaculture commerciale durable dans la région.

I. INTRODUCTION

1. Il est avéré qu'une série de facteurs entravent l'essor de l'aquaculture en Afrique subsaharienne. Parmi les principaux, on peut signaler le manque de capitaux ou leur inaccessibilité, le coût élevé de l'argent, le caractère limité des investissements intérieurs et étrangers directs en faveur de l'aquaculture commerciale, l'accès insuffisant à des aliments pour poissons de bonne qualité, une production d'_ufs insuffisante et de qualité médiocre, une formation et des services de diffusion inadéquats, des droits d'utilisation confus ou l'absence de terres idoines dans certains pays, l'absence de politiques favorisant le développement d'une aquaculture à orientation commerciale ou leur manque de clarté, et l'absence d'une législation spécifique pour l'aquaculture dans la plupart des pays d'Afrique subsaharienne.

2. Ces divers problèmes et les politiques visant à les résoudre font l'objet de documents distincts, la question de l'accès difficile aux capitaux étant examinée dans le présent rapport. Même s'il ne s'agit pas dans un certain sens d'un problème propre à l'aquaculture, le manque de fonds constitue toutefois une telle entrave au développement de l'aquaculture commerciale dans la région que ce document lui est entièrement consacré.

3. Les entrepreneurs sont souvent incapables de réunir les fonds nécessaires pour mettre sur pied une activité d'aquaculture commerciale, parce qu'ils ne disposent pas de garanties adéquates à présenter en nantissement des prêts, parce que ces prêts sont assortis de taux d'intérêts excessivement élevés, parce que les banquiers associent à l'aquaculture commerciale un risque d'échec particulièrement élevé et parce que les exploitants ne savent pas comment s'adresser aux institutions de financement pour obtenir un prêt.

II. LE PROBLÈME DU NANTISSEMENT

4. Le nantissement joue un rôle central dans les opérations de prêt des banques dans le secteur formel. Il s'agit d'un mécanisme solide et bien établi qui fournit à l'organisme de crédit une forme de garantie que l'emprunteur ne manquera pas de rembourser le prêt et les intérêts dont celui-ci est assorti. Lorsqu'il offre un bien en garantie, l'emprunteur en risque la saisie et la vente s'il devait lui arriver de ne pas rembourser le prêt. Le risque pour le prêteur est donc limité. La disponibilité d'une garantie joue ainsi un rôle important dans la détermination du montant qu'une banque sera disposée à octroyer et des taux d'intérêt à appliquer à ce prêt.

5. Si la garantie est suffisante pour couvrir la totalité du prêt, elle aura alors pour effet de déplacer une grande partie du risque que la banque pourrait sans quoi faire porter à l'emprunteur. Plus la garantie est limitée, plus le risque pour le prêteur est grand, et plus le taux d'intérêt appliqué par la banque sera élevé.

6. En Afrique subsaharienne, une difficulté commune aux entrepreneurs qui cherchent à obtenir un prêt pour mettre sur pied une activité d'aquaculture commerciale, tient à ce qu'ils ne sont pas en mesure de fournir aux banques la garantie requise, soit parce qu'ils n'ont tout simplement rien à offrir en nantissement, soit parce que les biens dont ils disposent, bien qu'ayant une certaine valeur, seraient difficilement acceptés en garantie par la banque. Dans les deux cas, les banques tendent à rejeter les demandes de prêt qui ne sont pas accompagnées d'une garantie acceptable.

7. Pour résoudre le problème du nantissement, plusieurs stratégies sont possibles:

8. Nouvelles stratégies de prêt "sans nantissement": Les pratiques bancaires traditionnelles ont été repensées au cours des dernières décennies dans certaines circonstances, lorsque l'échec des mécanismes du marché devenait manifeste. Le secteur bancaire structuré est longtemps parti du principe que le risque de crédit était inversement proportionnel à la valeur des actifs possédés. Or l'expérience acquise dans les trente dernières années montre que l'absence d'actifs n'équivaut pas nécessairement à un risque de non-remboursement élevé.

9. La Grameen Bank instituée au Bangladesh au milieu des années 70, est très souvent citée comme exemple de services bancaires de conception innovatrice en faveur des populations pauvres dépourvues d'actifs. En 1998, il existait des banques de micro-crédit sur le modèle de la Grameen Bank dans 58 pays, y compris au Bénin, au Burkina Faso et au Kenya.

10. La méthode adoptée pour garantir le remboursement est celle du prêt collectif qui prévoit la pression des pairs, des petits remboursements hebdomadaires et un contact personnel avec les emprunteurs. Avec le prêt collectif, le crédit est octroyé pour des activités de production génératrices de revenus indiquées par l'emprunteur. De petits groupes informels dont les membres ont les mêmes origines et sont unis par des rapports de confiance, sont formés. Les prêts sont accordés à des membres du groupe en fonction du remboursement des prêts par d'autres membres. L'épargne est une condition préalable du crédit et fournit une base solide pour les fonds d'emprunt. Les emprunteurs font l'objet d'un suivi rapproché. Cette approche a assuré un taux de recouvrement des prêts élevé. Les taux d'intérêt sont fixés de manière à produire des revenus qui serviront à couvrir les coûts, faisant ainsi de la Grameen Bank une institution financière commerciale viable, au service des ruraux pauvres.

11. Bien que cet exemple soit sans rapport avec les besoins de crédit pour des activités potentielles d'aquaculture commerciale, il montre cependant qu'il est possible, bien que par des approches innovatrices, d'octroyer des prêts à des individus pauvres dans l'incapacité de fournir des garanties. Depuis, la Grameen Bank a lancé le Grameen Trust pour accorder des prêts principalement à des initiatives à risque, à caractère technologique et qui sans quoi ne recevraient aucun crédit de la part des institutions de financement structurées existantes. Ce fonds qui opère selon les mêmes principes de prêt que la banque, couvrait tous les frais dès 1999.

12. En Afrique du Sud, la Land Bank a lancé une série de services financiers pour des initiatives commerciales plus ambitieuses, avec une gamme "argent" de produits financiers à l'intention des agriculteurs expérimentés et dotés de compétences agricoles reconnues, mais dépourvus de garanties, et une gamme "bronze" de produits destinés à tous ceux qui n'ont ni références ni capital-risque. Ces derniers seront appelés à payer une taxe additionnelle pour "fonds de risque", en retour de services de soutien intensif après le prêt. L'efficacité de ces services reste encore à mesurer.

13. Les banques rurales et les groupes de solidarité sont deux autres façons courantes d'affronter le problème du nantissement. Dans le premier cas, une institution se rend dans un village et constitue un groupe de 20 à 50 membres faisant office de banque. Les membres de ce groupe désignent alors un comité de direction, qui reçoit une formation pour la gestion de la banque. Au bout d'un certain temps, un prêt est accordé à la banque rurale. Celle-ci doit rembourser la totalité du prêt avec les intérêts à l'échéance, avant de pouvoir bénéficier d'un nouveau prêt. De ce fait, la responsabilité du prêt revient à l'ensemble des membres du groupe.

14. L'incapacité d'offrir à une banque une garantie acceptable en nantissement d'un prêt, peut se présenter lorsque le demandeur du prêt dispose de biens ayant une valeur mais néanmoins difficilement acceptables en garantie par la banque. Cela peut être le cas lorsque le cadre juridique et réglementaire ne permet pas la présentation de certains biens tels que la terre ou un bien meuble, en garantie.

15. En Afrique subsaharienne, le cadre juridique et réglementaire régissant la terre diffère considérablement d'un pays à l'autre. En règle générale, toutefois, dans la plupart des pays de la région on trouve aussi bien des terres de divers type pour lesquelles il existe une certaine forme d'enregistrement foncier établi, que des terres communales sur lesquelles les droits à faire valoir sont mal définis, voire inexistants. Si l'exploitant qui désire mettre en place une activité d'aquaculture commerciale est propriétaire du terrain et si ce titre de propriété est transférable, il peut alors offrir ce bien en garantie.

16. Si le terrain appartient à l'État ou s'il s'agit d'une terre communale, sur laquelle aucun individu ou groupe d'individus ne détient de titre, cette terre ne peut alors être fournie en garantie pour obtenir un prêt, même si elle a une valeur. Une possibilité à envisager dans ce cas est celle du transfert de titre foncier. Il faut souligner le caractère politiquement et socialement sensible d'une telle option, susceptible d'occasionner des conflits d'intérêt, des coûts de transaction et des frictions. D'autre part, s'il s'agit d'une terre communale sur laquelle il existe des droits de propriété commune sûrs, clairement définis et défendables, le concept de prêt collectif pourrait alors en principe prévoir le nantissement des terres en propriété commune, ou d'une partie de ces terres. Il faudra bien entendu qu'il y ait un intérêt commun à mobiliser des fonds, chacun ayant la possibilité d'utiliser la terre à cette fin. Les membres du groupe doivent être liés par des rapports de confiance et ne pas avoir de doutes quant à la réussite du projet, et ils devront être prêts à être déchus de la terre en cas de défaillance.

17. Utiliser un bien meuble en garantie est une autre possibilité, mais pouvoir le faire dépendra du cadre juridique et réglementaire en vigueur dans chaque pays. Lorsqu'une banque accepte un bien en garantie d'un prêt, elle acquiert un "droit de sûreté" sur ce bien.

18. Un bien doit satisfaire trois conditions pour pouvoir être accepté en garantie par une banque. Il doit être possible de créer une sûreté. C'est-à-dire qu'il ne doit pas être trop difficile ou trop coûteux d'établir si ce bien est conforme aux prescriptions de la loi. Il doit être possible d'établir la certitude qu'il n'existe aucun droit supérieur sur le bien, par exemple que celui-ci n'est pas déjà offert en garantie d'un autre prêt en cours (nantissement de créance). Les prescriptions de la loi pour la saisie et la vente de la garantie doivent être simples et pouvoir être appliquées sans délais et sans frais excessifs (recouvrement de créance). Si le recouvrement de la créance à partir de la garantie s'avère trop coûteux ou demande trop de temps, l'opération devient alors onéreuse pour le prêteur, ce qui réduit ou annule la valeur du bien comme garantie.

19. Prêts garantis par l'État: les garanties de l'État ont été utilisées dans certaines régions pour favoriser l'implantation de l'aquaculture commerciale, notamment dans plusieurs pays de l'OCDE. Il s'agit d'une garantie substitutive, le risque de défaillance de l'emprunteur étant transféré à l'État et donc au contribuable. Toutefois, la prudence s'impose. Pour que l'État puisse faire droit à de telles garanties, il se doit alors de réduire au minimum la mesure dans laquelle il sera appelé à honorer ses garanties. Cela signifie qu'il devra déployer autant d'efforts pour faire en sorte que les prêts soient remboursés que les banques l'auraient fait pour recouvrer les sommes prêtées. S'il ne le fait pas, le paiement des garanties aux banques se traduit alors par une ponction sur les deniers publics et peut faire l'objet d'éventuelles attaques politiques. L'existence de garanties de prêt peut affaiblir la détermination de l'emprunteur à rembourser le prêt.

III. LE PROBLÈME DES TAUX D'INTÉRÊT ÉLEVÉS

20. Les taux d'intérêt élevés qui sont d'ordinaire appliqués aux emprunteurs, avec un effet dissuasif sur l'emprunt en Afrique subsaharienne, s'expliquent notamment par le manque de garantie, l'absence d'un marché vraiment efficace au niveau des services financiers, des taux de non-remboursement importants qui se traduisent par un coût élevé du crédit, des moyens d'approche inefficaces entraînant des frais d'opération élevés et une forte inflation, ainsi que les hauts risques perçus en relation avec l'initiative financée.

21. Les intérêts les plus faibles sont généralement subordonnés à la capacité de fournir en garantie des biens dans lesquels le prêteur peut établir la meilleure sûreté. Le risque pour le prêteur étant inférieur, il est possible d'assortir le prêt d'un taux d'intérêt moins élevé. C'est ainsi que les biens immobilisés offerts en nantissement seront souvent associés à des taux d'intérêt inférieurs. Les taux d'intérêt seront d'autant moins élevés que les gouvernements réussiront à garantir un cadre juridique et réglementaire permettant aux prêteurs de réaliser une sûreté adéquate à partir d'un large éventail de biens offerts en garantie de prêt.

22. La livraison de services financiers adéquats au travers des mécanismes du marché a été un échec dans la plus grande partie de l'Afrique subsaharienne rurale. Les services bancaires tendent à se concentrer dans les villes où les frais d'opération sont inférieurs et leur extension dans les zones rurales est minime ou nulle. Là où des services bancaires sont présents, la concurrence est limitée voire inexistante, permettant ainsi à l'inefficacité de s'infiltrer ou à ces services d'accroître leurs profits.

23. Les prêts non recouvrés par la banque constituent des coûts de non-remboursement pour le prêteur et entrent dans le calcul des dépenses globales d'exploitation de la banque. Lorsqu'une banque fixe des taux d'intérêt pour en tirer des revenus suffisants pour couvrir ses coûts, les intérêts appliqués seront d'autant plus élevés que le taux de non-remboursement des prêts sera important. Il est donc essentiel de concevoir des services bancaires en mesure d'obtenir un taux de recouvrement des prêts élevé pour maintenir les coûts de non-remboursement à un bas niveau. Cela fait ressortir une fois de plus la nécessité d'une approche innovatrice du problème de la fourniture de services bancaires adéquats aux communautés rurales en Afrique subsaharienne.

24. Un problème commun aux institutions de micro-crédit citées en exemple plus haut, a été celui d'assurer l'efficacité des services financiers délivrés par rapport à leur coût. L'octroi de petits prêts à un grand nombre de personnes physiquement dispersées sur un territoire plus vaste que celui d'une ville, comporte une augmentation des frais par opération de prêt. Ces institutions ont mis au point des systèmes qui ont permis de maintenir le coût de l'extension des services à un niveau relativement bas, dans une plus ou moindre grande mesure. Plus le coût de ces services est élevé, plus les taux d'intérêt appliqués devront être hauts pour produire les revenus nécessaires à la couverture des frais. Cela souligne encore une fois la nécessité d'une approche innovatrice pour la mise au point de services financiers destinés à l'Afrique subsaharienne rurale.

25. En cas d'inflation forte, le taux d'intérêt nominal sera élevé. Même lorsque le taux d'intérêt réel est relativement faible, un taux d'intérêt nominal élevé a un effet de dissuasion sur l'emprunt. Le taux d'inflation doit être géré par des politiques macroéconomiques appropriées.

26. Pour abaisser les taux d'intérêt, il faut avant tout veiller à ce que les facteurs déterminants indiqués plus haut soient affrontés de manière constructive. Cela étant, lorsqu'ils sont en mesure de les financer, les gouvernements peuvent opter utilement pour la bonification des taux d'intérêt et les garanties de prêt par l'État.

27. La bonification des taux d'intérêt est une mesure qui a été adoptée dans d'autres régions du monde pour réduire le coût des emprunts destinés à la production aquacole, et donc pour en promouvoir le développement. Comme dans certains pays d'Afrique subsaharienne les marchés des capitaux sont caractérisés par des taux d'intérêt particulièrement élevés, cette solution mérite d'être prise en considération. Si la bonification des taux d'intérêt peut être utilisée pour favoriser l'essor de l'aquaculture dans la région, il faudra toutefois faire preuve de prudence au moment d'envisager une politique de cette nature.

28. Dans la région, peu de gouvernements ont les moyens d'appliquer des taux d'intérêt bonifiés en situation d'austérité budgétaire. Par ailleurs, les taux d'intérêt bonifiés pourraient également favoriser l'introduction de technologies à forte intensité de capital, et ce dans une plus grande mesure que cela n'aurait été le cas autrement. Ils peuvent causer des déséquilibres au niveau de l'offre et de la demande et créer de nouvelles occasions d'encaissement. Les taux d'intérêt bonifiés peuvent aussi avoir un effet dissuasif sur la recherche de dépôts par les banques car la bonification facilite le recouvrement des coûts tout en mobilisant des fonds pour la rétrocession à partir des marchés de capitaux.

29. Étant donné que les prêts garantis par l'État transfèrent à ce dernier le risque de défaillance de l'emprunteur, ils pourraient déterminer une baisse des taux d'intérêt puisque le risque encouru par les banques serait alors moins élevé.

IV. RISQUES PERÇUS EN RELATION AVEC
LES ENTREPRISES AQUACOLES

30. L'accès insuffisant aux capitaux représente en général un problème pour le développement en Afrique subsaharienne, problème qui devient particulièrement critique pour les entreprises rurales, par exemple dans le secteur de l'aquaculture, qui sont perçues comme des opérations à haut risque. Les opérations d'aquaculture sont très souvent considérées comme étant à haut risque, en raison notamment de l'absence d'informations sur les bons résultats obtenus dans la région. Il existe pourtant de nombreux exemples d'initiatives d'aquaculture commerciale réussies en Afrique subsaharienne.

31. Le tableau 1 donne quelques exemples d'opérations d'aquaculture réussies intéressant trois espèces: la crevette, le tilapia et le poisson-chat. Il ne s'agit pas ici de fournir un exemple représentatif des activités d'aquaculture commerciale en Afrique subsaharienne, mais de montrer que de telles entreprises peuvent être mises en place avec succès et s'avérer très rentables.

32. Tableau 1. Synthèse des résultats budgétaires préliminaires concernant des élevages de crevette, de tilapia et de poisson-chat en Afrique subsaharienne, 2000.

Espèces produites

Recettes brutes ($/ha)

Coûts variables ($/ha)

IAVC
($/ha)

Frais fixes
($/ha)

Coûts totaux ($/ha)

Profits pour l'exploita-tion ($/ha)

Rentabilité du capital investi (%)

Crevette

             

Élevage A

48 269

16 532

31 737

5 703

22 235

26 035

117%

Élevage B

76 644

38 252

38 392

1 137

39 390

37 255

95%

Tilapia/Carpe/Poisson-chat

             

Élevage C
Tilapia/Carpe

4 688

1 102

3 586

1 152

2 254

2 434

88%

Élevage D Tilapia

5 198

4 488

710

131

4 619

579

13%

Élevage E
Tilapia/Poisson-chat

25 224

13 615

11 609

1 120

14 735

10 488

71%

33. Les résultats présentés sont provisoires; le plus grand soin a été apporté à la présentation de ces résultats, mais le processus de vérification est encore incomplet. Il apparaît que les éleveurs de crevettes gagnent entre 26 000 et 37 000 dollars E.-U. par hectare et par an, valeur ajoutée non comprise, ce qui correspond à un taux de rentabilité de l'investissement allant de 95 à 117 pour cent. Les élevages examinés resteraient rentables même si le prix de la crevette devait fléchir de 50 pour cent. Les éleveurs de tilapia et de poisson-chat gagnent entre 500 et 12 000 dollars E.-U. par hectare et par an, soit un taux de rendement du capital investi oscillant entre 13 et 88 pour cent.

34. La présentation détaillée des résultats de ces entreprises particulièrement rentables ne doit pas laisser croire qu'il n'y a pas d'échec. Au fil des années, ils ont été nombreux, pour une série de raisons d'ordre technique, financier, commercial et administratif. Lorsque les entreprises aquacoles font l'objet d'une planification efficace et d'une analyse attentive, il y a tout lieu de penser que les échecs pourront être réduits au minimum et qu'elles seront plus nombreuses à prospérer et à produire d'excellents profits.

V. LE PROBLÈME DE L'IGNORANCE EN MATIÈRE DE DEMANDE DE PRÊT

35. Une institution financière, qu'il s'agisse d'une banque commerciale, d'un organisme public ou d'un investisseur privé, ne prêtera de l'argent à une entreprise que si elle est convaincue de la viabilité de la proposition. C'est à l'entrepreneur qu'il revient de fournir à l'institution les preuves de la faisabilité économique de sa proposition. À cette fin, un élément essentiel est la préparation d'un projet d'entreprise concis mais détaillé, capable de convaincre un investisseur potentiel que l'activité proposée est économiquement viable. Or, en Afrique subsaharienne, la plupart des aquaculteurs en puissance ignorent justement comment préparer un tel projet. Une formation systématique dans ce domaine serait opportune.

36. Le projet d'entreprise est un document écrit et circonstancié, couvrant les divers aspects de l'activité envisagée. Un tel plan sera préparé principalement afin de servir de guide pour l'activité projetée, en fournissant une série d'objectifs clairement énoncés sur la base desquels il sera ensuite possible de mesurer les résultats obtenus. La nécessité pour un entrepreneur d'élaborer un projet d'entreprise écrit, l'oblige à considérer tous les facteurs susceptibles de compromettre la viabilité de l'affaire.

37. Le projet d'entreprise, utilisé pour mobiliser des fonds, devra répondre par avance aux questions que pourrait se poser quiconque envisagerait de risquer son argent dans une activité. Il offre à l'entrepreneur l'occasion de présenter les meilleurs arguments possibles en faveur de sa société, de son produit et du personnel dont il dispose pour mettre son projet en _uvre. Il devra donc décrire, en suivant un modèle de présentation structuré et en fournissant une série logique d'informations, l'entreprise, son cadre opérationnel, ses objectifs à court et à long terme, et la façon dont il propose d'atteindre ces objectifs. Il devra démontrer que l'entrepreneur a considéré tous les aspects de l'activité envisagée, en termes de produits, de gestion, de finances, de marchés et de concurrence.

38. Outre qu'il constitue le moyen le plus efficace pour convaincre une institution financière de la viabilité de l'activité proposée et qu'il servira de guide à l'entrepreneur, la préparation d'un projet d'entreprise a l'effet bénéfique d'obliger ce dernier à préciser ses idées et ses objectifs, et à indiquer clairement les étapes à franchir pour les réaliser. L'entrepreneur renforcera ainsi sa connaissance de sa propre entreprise et de l'industrie dans son ensemble. Le projet d'entreprise peut jouer un rôle fondamental en contribuant à éviter les erreurs ou à identifier des possibilités cachées.

39. Le projet d'entreprise a une telle importance en tant qu'énoncé écrit de la viabilité de l'activité proposée, qu'il faudra apporter le plus grand soin à la préparation de ce document qui devra être à la fois attrayant, clairement rédigé, concret, complet et concis. Il devra démontrer que tous les facteurs susceptibles d'influer sur la réussite de l'entreprise ont été dûment pris en compte et évalués. Aussi toute faiblesse éventuelle au niveau de la proposition devra être identifiée et examinée, et non pas passée sous silence. Des renseignements précis devraient étayer les estimations en matière de recettes; les coûts et les hypothèses formulées doivent aussi être clairement indiqués et dûment justifiés.

VI. CONCLUSION

40. Face à un échec des mécanismes du marché tel que celui que connaît la fourniture de services financiers aux entreprises rurales en Afrique subsaharienne, il est nécessaire que les gouvernements se penchent sur la question avec la plus grande attention et étudient les meilleurs moyens de surmonter ces difficultés. L'essor de l'aquaculture commerciale dans la région est entravé par l'accès difficile aux capitaux. Au-delà de l'aquaculture, ce problème touche d'autres secteurs de l'économie rurale, constituant ainsi un obstacle majeur à la croissance économique dans la région.

41. Les gouvernements doivent rendre possible, dans les limites du cadre juridique de chaque pays, le nantissement d'un large éventail de biens, afin d'accroître les possibilités de garantie des prêts.

42. Les faits prouvent le succès des concepts innovateurs introduits pour résoudre le problème de l'absence de garantie à travers un système auto-entretenu de micro-crédit en faveur des populations rurales pauvres. Il apparaît ainsi que les personnes démunies peuvent épargner et le font, et que cette épargne peut être mobilisée à des fins d'investissement. Il est possible d'octroyer des prêts en milieu rural à des personnes n'ayant aucune ou peu de garantie à offrir et de recouvrer sans difficulté les fonds prêtés. Des programmes devraient pouvoir être mis en _uvre pour étendre ces services à tous ceux qui souhaitent lancer des projets commerciaux plus ambitieux et ont des besoins financiers plus importants.

43. Dans certains cas, une formule de prêt collectif pourrait être adaptée pour soutenir le développement de l'aquaculture commerciale en Afrique subsaharienne. Une mobilisation accrue de l'épargne, à fournir en garantie, est une autre possibilité. L'utilisation de produits d'assurance spécifiques pourrait également jouer un rôle dans la réduction des risques attachés à des éventualités données, comme dans le cas du programme réalisé au Kenya en faveur des entreprises rurales.

44. Il convient de noter, en ce qui concerne la Grameen Bank, qu'au départ les opérations de la banque étaient financées par des donateurs. Il a fallu 5 ans pour que celle-ci devienne autonome. Il est fortement recommandé de subventionner la mise en place de services bancaires ruraux en Afrique subsaharienne pour qu'ils puissent fournir un service efficace et constituer une clientèle suffisante pour pouvoir opérer en toute autonomie.

45. Un concept innovateur s'avère nécessaire pour établir des services bancaires adaptés dans chaque cas aux caractéristiques spécifiques des pays et des communautés à desservir.

VII. SUITE À DONNER PAR LA CONSULTATION

46. La Consultation est invitée:

· à examiner les sujets de réflexion présentés dans ce document et à favoriser l'échange d'expériences nationales dans ce domaine;

· à déterminer les mesures qui, dans le contexte économique, social, culturel et politique de l'Afrique subsaharienne, pourraient contribuer à réduire le problème de l'accès limité aux capitaux pour promouvoir une aquaculture commerciale durable dans la région.